Partagée en deux entre l'Italie et l'Angleterre à l'époque coloniale, la Somalie a retrouvé son unité en 1960 lors de son indépendance. Ce pays situé dans la Corne de l'Afrique compte plus de douze millions d'habitants. Depuis plusieurs décennies, la Somalie est l'un des pays les plus pauvres du monde. Ce mauvais classement est dû notamment à la situation de plus en plus tendue avec les islamistes shebab mais également aux événements climatiques. Ce dernier facteur, bien que peu souvent identifié comme tel, est l'une des principales sources de pauvreté du pays.
La Somalie est une des zones les plus arides au monde mais souffre de fortes inondations. Le pays est victime d'un changement climatique important qui devient de plus en plus significatif avec le temps. À l'heure actuelle, plus de trois millions de personnes font face à des récoltes insuffisantes et à une pénurie alimentaire. Deux régions du Sud, dont la capitale Mogadiscio, ont été déclarées en « état de famine » et les risques d'inondations prévus pour les mois à venir devraient aggraver encore plus la situation.
Depuis les années 1980, les inondations sont de plus en plus présentes dans la corne de l'Afrique, notamment au Kenya et en Somalie. Pour l'année 2015, on estime qu'environ 90 000 personnes ont été victimes d'inondations et ont dû fuir en abandonnant leurs foyers derrière eux. Selon l'Organisation des Nations unies, 42 000 personnes auraient été déplacées en Somalie à cause des crues des rivières. D'après les chiffres de l'UNICEF, onze millions d'enfants seraient menacés dans la région.
Des inondations fatales
Ces inondations sont la suite de violentes pluies qui entraînent les débordements des rivières et des fleuves. Lorsque cela se produit, les habitants n'ont que quelques heures pour rassembler à la hâte toutes leurs affaires avant de se réfugier sur les hauteurs en laissant tout derrière eux. S'en suivent de nombreuses pertes humaines et matérielles.
Une grande partie de la population somalienne vit en auto-subsistance, c'est à dire qu'ils s'alimentent de ce qu'ils cultivent et récoltent. Après les inondations, les vivres font défaut pour tous les habitants touchés par ces conséquences climatiques. Toutes les réserves alimentaires sont englouties par les eaux et les champs inondés deviennent improductifs. Les habitants privilégiés qui possèdent du bétail ne peuvent emmener leurs bêtes avec eux, ils sont donc obligés de les laisser dans les villages à la merci de l'eau. Ces conséquences, directement liées aux inondations, vont entraîner une importante insécurité alimentaire et un fort risque de malnutrition.
Au-delà de la nourriture, trouver de l'eau potable est aussi un défi de taille après des inondations. L'accès à l'eau se fait encore plus rare qu'il n'était déjà. Après une crue, tous les puits et les sources d'eau potable sont contaminés par les eaux. Puisque tout le bois ou le charbon de bois sont humides, il est impossible pour les rescapés de faire bouillir l'eau qu'ils pourraient trouver afin de la rendre potable. Il devient très difficile pour les Somaliens de répondre à leur soif.
Après des inondations, le risque de maladie augmente aussi fragilisant encore plus la santé de ceux qui n'ont presque pas de quoi s'alimenter. À cause des pluies torrentielles, les sols sont saturés et l'eau stagne donc à la surface. Les champs, les rues et les villages entiers prennent un aspect marécageux où l'eau végète et attire les moustiques ce qui accroît le risque de paludisme ou de dengue. Les rescapés, en plus d'être victimes de carence alimentaire, sont fortement exposés à des maladies mortelles.
Les enfant sont les plus touchés. Ils ne peuvent se défendre contre la propagation des maladies puisqu'ils n'ont pas pu développer un système immunitaire solide du fait de leur malnutrition. L'UNICEF affirme en effet que les enfants sont les plus grandes victimes du changement climatique et des inondations qui favorisent l'apparition de maladies mortelles comme la malaria, le choléra ou la diarrhée. Les conséquences des inondations sont donc loin d'être négligeables et toutes les victimes nécessitent des traitements médicaux conséquents.
Des difficultés à refaire surface
Pour échapper à toutes ces conséquences, les villageois doivent impérativement se reloger dans des zones au sec. La reconstruction de nouvelles habitations implique de nouveaux matériaux, souvent bien difficiles à trouver après une inondation. La plupart des habitants qui ont fui lors de la montée des eaux tente ensuite de revenir au village englouti pour essayer de récupérer ce qui est récupérable. Mais la récolte est souvent bien maigre. Après les inondations, tout est détruit, les maisons sont emportées par les eaux et il ne reste plus rien.
Pour tenter de limiter les séquelles des inondations, de nombreuses organisations humanitaires comme Médecins Sans Frontières essaient de fournir aux rescapés un toit provisoire et un minimum de vivres. Leur plus grand défi est surtout de délivrer les premiers soins et de prendre les mesures d'hygiène nécessaires pour lutter contre les risques de développement de choléra et de paludisme entre autres. Toutefois, malgré la bonne volonté des organisations comme MSF, il est très dur pour les habitants de se rendre sur les campements proposés par ces humanitaires car tout est inondé, les routes étant détruites ou englouties.
Les dégâts causés par les eaux compliquent la tâche de ces associations qui sont les seules à pouvoir venir en aide aux rescapés puisque les autres hôpitaux des environs sont aussi inondés. Ces hôpitaux ne peuvent donc pas aider les associations submergées de travail d'autant que la majorité du matériel médical de ces hôpitaux a été emporté par les eaux. Puisque les routes sont inutilisables, des petites barques sont mises en place pour aider les habitants à rejoindre les campements de MSF. Le nombre de ces embarcations reste limité et sont exclusivement réservées aux cas les plus urgents.
Le phénomène climatique « El Niño »
Ces inondations en Somalie, mais aussi dans d'autres pays de la Corne de l'Afrique ou du monde, sont dues au phénomène climatique « El Niño » qui sévit depuis les années 1900 et qui s'intensifie d'année en année. El Niño est un épisode météorologique qui se traduit par un phénomène de réchauffement de la surface des eaux s'étendant de l'océan Pacifique jusqu'aux côtes du Pérou et de l’Équateur. Toute cette « ceinture tropicale » subit un bouleversement climatique qui provoque à la fois d'importantes inondations et d'extrêmes sécheresses. Ces intempéries apparaissent tous les deux à sept ans et ont une durée de douze à dix-huit mois.
Ce phénomène a des conséquences dramatiques, des milliers de vies humaines sont à déplorer du fait d'El Niño et des dégâts matériels. Jusqu'à présent, les deux épisodes de ce phénomène climatique les plus conséquents du siècle ont été enregistrés dans les années 1982/83 mais surtout en 1997/98 où 41 pays dans le monde ont souffert de graves inondations et 22 autres pays ont été victimes de dures sécheresses. La Somalie est actuellement un des pays les plus touchés par ces incidents climatiques. Selon de nombreux experts, El Niño pourrait être plus important en 2016 qu'il ne l'a jamais été.
D'après l'UNICEF, cette situation tragique va se répercuter de génération en génération si les pays touchés et les victimes de ce phénomène climatique ne reçoivent pas d'aide pour compenser toutes les récoltes perdues et le manque à gagner. Les pays les plus touchés par El Niño sont ceux qui, de manière générale, sont les plus confrontés au problème du dérèglment climatique. S'ajoute à ce constat que ces zones affectées sont bien souvent des zones de pauvreté où les populations victimes n'ont pas les ressources financières adaptées pour faire face à cette situation et pour prendre les mesures adaptées.
Un conflit civil qui n'arrange rien
Depuis les années 1990, la situation politique est plus qu'instable en Somalie et les gouvernements changent très régulièrement au gré des différentes milices militaires qui s'affrontent pour le pouvoir. C'est dans ce contexte instable que sont apparus des groupes islamiques qui ont élargi leur sphère d'influence tout au long de l'année 2006. Aujourd'hui, ils contrôlent la majorité du territoire de la Somalie, y compris la capitale Mogadiscio. La présence de ces islamistes en Somalie complique fortement les situations critiques dues aux intempéries climatiques puisqu'il est plus difficile pour les organisations humanitaires de venir en aide aux habitants victimes des inondations.
Deux régions sont déclarées en état de famine en Somalie depuis 20 ans par l'ONU. Ces zones géographiques sont depuis une dizaine d'années aux mains des islamistes shebab, qui font obstacle à l'aide humanitaire. Ces individus aux commandes du pays ont affirmé à plusieurs reprises que la soit disant famine n'était qu'une invention de l'ONU pour les déstabiliser. Tout en affirmant donc que l'état de famine n'était pas réel en Somalie, les islamistes ont imposé des conditions insoutenables aux ONG, forçant un grand nombre d'entre elles à partir du pays.
Dans ce contexte, même pour les associations les plus tenaces, il n'est pas facile de venir en aide aux populations. Les problèmes logistiques sont les plus importants, il y de nombreuses personnes dans le besoin, beaucoup de cas d'urgence et dans des villes parfois très éloignées. L'insécurité alimentaire est au niveau maximum, les réfugiés n'ont pas de toit et comptent de nombreux malades parmi eux. Bien que des organismes tel que le Centre International de la Croix-Rouge tentent de faire de leur mieux, il est très difficile d'organiser une logistique adéquate lorsque l'État n'appuie pas les ONG.
La situation actuelle est donc critique en Somalie, une des premières victimes du réchauffement de la planète. Ces événements climatiques tragiques sont d'autant plus conséquents que la Somalie souffre également d'une instabilité politique, de rivalités de pouvoir, d'une forte corruption et d'un certain désintérêt de la société internationale quant au sort de ce pays.